Bonjour, je m’appelle Jean-Eric Parisien. Je suis Directeur des relations aux investisseurs chez Global Alpha et j’aimerais vous souhaiter la bienvenue à notre premier podcast.

Maintenant que le troisième trimestre est terminé dans ce qui a été une année volatile jusqu’à présent, nous avons discuté des événements qui ont eu un impact sur les marchés et dans l’économie en générale.

Robert Beauregard, Chef des placements, répondra à certaines des questions qui préoccupent les investisseurs ces derniers temps.


Jean-Eric :

Robert, les entrepôts sont pleins mais les chaînes d’approvisionnement sont toujours tendues et les coûts d’expédition augmentent, alimentant l’inflation.  Comment les banques centrales et les régulateurs peuvent-ils résoudre ces problèmes ?


Robert Beauregard :

Bonjour, Jean-Eric. Ce n’est pas une question facile, mais en fait les coûts de fret ont baissé ces derniers temps. L’indice de référence du fret par conteneur, c’est-à-dire le prix de l’expédition d’un conteneur 40 pieds sur huit routes principales différentes, est redescendu à 3 700 $ après avoir atteint un pic de 10 300 $ en septembre 2021. Par contre, Il était de
1 600 $ à la fin de l’année 2019.

Cependant, la situation affectant les chaînes d’approvisionnement reste difficile.  Comme vous le savez, vous pouvez entièrement concevoir une voiture mais s’il vous manque une pièce comme un semi-conducteur, vous ne pouvez pas la vendre.  Ford a plus de 45 000 camionnettes garées sur un vaste terrain dans le Kentucky.

La crise énergétique en Europe a un impact sur la production de certains matériaux.

Les banques centrales ne peuvent rien faire du côté de l’offre. Leur mandat est de freiner l’inflation.  Par le biais du resserrement monétaire, c’est-à-dire l’augmentation des taux d’intérêt et le retrait des liquidités des marchés financiers, elles s’efforcent de réduire la demande.

Il faudra peut-être attendre encore quelques trimestres avant d’en avoir le résultat.  Le marché du travail américain est toujours fort.  Il y a encore beaucoup de demande refoulée après quelques années de pandémie et l’épargne accumulée est encore élevée.

Du point de vue des gouvernements, il faudra des années pour rendre la chaîne d’approvisionnement plus robuste.  Mais à court terme, la suppression des obstacles au commerce international, tels que les droits de douane ou les restrictions, pourrait aider.  Cependant, nous ne voyons pas cela se produire pour le moment, au contraire. Il reste beaucoup de risques menaçant la chaîne d’approvisionnement mondiale.

La Chine a toujours une politique de zéro Covid. La guerre en Ukraine interrompt l’approvisionnement en matières premières de la Russie vers une grande partie du monde. Taïwan est un producteur clé de semi-conducteurs.  Tout conflit ou catastrophe naturelle majeure, l’île étant sujette aux tremblements de terre, aurait un impact considérable sur l’économie mondiale.

En conclusion, malgré les nombreux courants contradictoires, le rythme d’inflation sur les biens et produits devrait baisser. Cependant, la composante la plus importante de l’inflation, à savoir l’inflation des salaires et des loyers, pourrait ne pas diminuer avant quelques trimestres et le fera si le chômage augmente et si les prix des logements baissent.   Ce sont les indicateurs que les banques centrales surveilleront, et elles continueront à augmenter les taux jusqu’à ce qu’elles le constatent.


Jean-Eric :

Merci Robert, tu viens d’y faire allusion, mais quel sera l’impact de la hausse des taux sur l’inflation et les actions ?


Robert :

Historiquement, la hausse des taux est négative pour les actions sensibles aux taux d’intérêt, comme l’immobilier et les services publics.  Les entreprises très endettées sont particulièrement touchées.  Les biens de consommation de base et les matières premières sont normalement bénéficiaires.  Dans cet environnement particulier, nous sortons de taux historiquement bas, la hausse des taux affectera les entreprises à forte croissance et à faible rentabilité, car le taux d’actualisation des bénéfices futurs est beaucoup plus élevé. Les secteurs tels que la technologie et la biotechnologie, qui ont connu une baisse, risquent de souffrir davantage.

Dans le passé, la hausse des taux et l’inflation élevée ont été favorables à la surperformance des petites capitalisations.  L’argument était que les petites entreprises sont plus agiles pour s’adapter à une inflation élevée.

Dans un environnement de hausse des taux d’intérêt, nous nous attendons à ce que les actions ayant un pouvoir de fixation des prix, qui sont très rentables aujourd’hui et qui ont un faible effet de levier, surperforment.  Les petites capitalisations se sont historiquement négociées avec une prime par rapport aux grandes capitalisations, mais elles se négocient actuellement avec une décote.

L’indice MSCI Monde à petite capitalisation se négocie à 11 fois les bénéfices de l’année prochaine, contre 13 fois pour les grandes capitalisations, 16 fois pour le S&P et plus de 20 fois pour le Nasdaq.

La meilleure période de surperformance des petites capitalisations par rapport aux grandes capitalisations a été la période d’inflation élevée persistante combinée à un taux de chômage élevé et à une demande stagnante dans l’économie de 1974 à 1983; les années de stagflation. La seconde période était celle des 10 années allant de janvier 2000 à décembre 2010.


Jean-Eric :

Tu as également fait référence à la Chine tout à l’heure, peux-tu nous présenter nos vues sur ce pays ? Comment nos stratégies y sont-elles exposées ?


Robert :

Nous sommes prudents en ce qui concerne la Chine en raison du risque politique élevé et du risque de crise immobilière généralisée.  Cependant, le pays dispose de nombreux outils pour remédier aux déséquilibres.  C’est la deuxième plus grande économie mondiale et nous voyons encore de nombreuses opportunités d’investissement.  En particulier dans les secteurs de la consommation, des soins de santé et industriels  Nous privilégions les entreprises qui produisent et vendent leurs produits en Chine.  Nous essayons également d’éviter les secteurs sensibles tels que la technologie, les ressources naturelles ou les infrastructures.

Nous pensons que le pays devrait se réouvrir progressivement à partir de 2023 et nous nous attendons à des mesures de relance toujours plus importantes après le congrès du parti qui se tiendra le 16 octobre.

Nous aimons toujours le marché de la consommation en Chine. Bien qu’il y ait des incertitudes dans l’économie à court terme, principalement en raison des politiques de zéro COVID-19, les dépenses de consommation résistent relativement bien, les ventes au détail en août ont augmenté de 5,4 % par rapport à l’année précédente et une amélioration par rapport à juillet et mieux que prévu.  Il y a beaucoup de demande refoulée lorsque le gouvernement assouplit les restrictions.


Jean-Eric :

Le dollar américain est en hausse constante. Quelles sont les raisons de cette hausse ? Quelles sont les conséquences sur les petites capitalisations en général et sur nos portefeuilles ?


Robert :

La célèbre citation de l’ancien secrétaire au Trésor américain John Connally,  » Le dollar est notre monnaie mais c’est votre problème « , continue de sonner juste, et c’est l’une des raisons pour lesquelles certains pays ont travaillé si dur pour se dédollariser au cours de la dernière décennie.

Pourquoi le dollar est-il si fort ?

La Fed a été plus agressive que d’autres pays pour juguler l’inflation élevée. Les taux des fonds fédéraux sont passés de près de zéro au début de 2022 à une fourchette de 3 % à 3,25 % lors de la réunion de la FED de septembre. Les marchés s’attendent à une augmentation d’au moins un autre point de pourcentage d’ici la fin de 2022. Ce taux est beaucoup plus élevé que celui des autres économies développées.

Malgré les craintes de récession, l’économie américaine semble encore en meilleure position que les autres économies avancées, notamment le Royaume-Uni, l’Europe et le Japon. Avec la guerre en Ukraine, la crise énergétique en Europe et l’économie chinoise en difficulté en raison de la politique du zéro COVID, les investisseurs ont tendance à se tourner vers des placements sûrs, l’USD étant une valeur refuge en ce moment.

Cependant, nous voyons la force du dollar américain atteindre un pic en raison du fait que le différentiel entre les taux réels et le taux de croissance économique est en train de plafonner.

Les entreprises européennes et japonaises seront les bénéficiaires de la force du dollar.  Et les grandes multinationales américaines en pâtiront.  En outre, un dollar fort pourrait se traduire par une augmentation des activités de fusion et d’acquisition de la part de sociétés américaines cherchant à acquérir des actifs européens et britanniques, ce dont nous avons déjà été témoins.

Jean-Eric :

Où sont les opportunités en Europe avec une récession imminente en Allemagne, des incertitudes politiques en Italie et toute la zone qui tente de lutter contre l’inflation galopante ?


Robert :

La crise ukrainienne a eu un impact direct sur le coût de l’énergie. Elle a mis en lumière la dépendance de l’Europe vis-à-vis de l’énergie russe. Nous pensons que cela favorisera encore plus la révolution verte, car les énergies renouvelables deviennent une réponse au problème. L’hydrogène vert est déjà compétitif en Europe.

La sécurité souveraine est une autre préoccupation. Par exemple, la Norvège a récemment annoncé une préparation d’urgence pour protéger ses installations pétrolifères et gazières en mer du Nord contre les attaques de drones. Nous assisterons à une augmentation considérable des dépenses en matière de défense et de cybersécurité. L’Europe s’éloignant de l’énergie russe, la demande d’énergie renouvelable augmente, nous pensons qu’il y aura des opportunités dans ce domaine.

De plus, l’Europe devient plus intégrée que jamais, ce qui est positif :

Les opportunités découlant de la guerre Russie/Ukraine proviennent des besoins de substitution de biens, à commencer par les matières premières et les produits de base.

Les actions européennes se négocient aujourd’hui avec une décote plus importante que pendant la grande crise financière.

Les bilans en général sont en meilleure position qu’avant la crise et nos compagnies le sont encore plus.

De nombreux gouvernements fournissent un soutien fiscal contre la hausse des prix de l’énergie. Combiné à un faible taux de chômage et à l’épargne excédentaire accumulée pendant la période covidienne, le consommateur européen est étonnamment résilient.


Jean-Eric :

Maintenant que nous avons fait la tournée régionale à travers l’Asie, les USA et l’Europe, avons-nous apporté des changements à notre modèle depuis le début du COVID ou depuis le début de la guerre en Ukraine ?


Robert :

Laissez-moi tout d’abord présenter rapidement notre modèle. En résumé, il consiste à trouver de bonnes entreprises dont le cours devrait s’apprécier d’au moins 50 % sur une période de trois ans avec un catalyseur apparent.

Nos stratégies globales et internationales de petites capitalisations n’investissent ni en Russie ni en Ukraine, car elles se concentrent uniquement sur les marchés développés.  Dans notre stratégie EAFE, 55 % de l’allocation est en Europe ; dans notre stratégie mondiale, l’allocation est d’environ 25 %. Nos titres dans la région sont principalement concentrés dans la partie occidentale du continent (France, Italie, Allemagne et Espagne), en Scandinavie et au Royaume-Uni.

Nous évaluons constamment l’impact du risque macro-économique sur nos portefeuilles, qu’il s’agisse de Covid, de l’Ukraine ou de l’inflation. Nous essayons de comprendre où se situe le risque pour nos entreprises et de comprendre quelles sont les mesures d’atténuation mises en œuvre.

Notre processus de construction de portefeuille consiste à isoler les risques liés aux entreprises des risques liés aux facteurs tels que la devise, le pays, le style, la liquidité.

Depuis le début de Covid, les taux d’intérêt, la volatilité des marchés boursiers et le risque de liquidité ont augmenté.

Nous avons apporté de petits changements au portefeuille pour atténuer ces risques, mais pas beaucoup car nous pensons qu’ils sont temporaires et plus courts que notre horizon d’investissement.


Jean-Eric :

Et, pour conclure, y a-t-il quelque chose qui t’empêche de dormir en ce moment avec la volatilité que nous voyons sur le marché et avec tout ce dont nous avons discuté ? Des inquiétudes ou des menaces pour les portefeuilles ?


Robert :

Nous gérons des portefeuilles d’actions de petite capitalisation. Donc, pour nous, la décision de répartition des actifs que nos clients peuvent prendre est probablement la principale menace. S’ils décidaient qu’ils ne veulent plus être exposés aux actions parce qu’ils peuvent obtenir les rendements qu’ils souhaitent en achetant des obligations d’État. Eh bien, ce serait une menace. Mais nous n’en sommes pas encore là.

Par ailleurs, si l’on examine les différentes classes d’actifs, on constate que beaucoup d’argent a été investi dans des actifs illiquides au cours des dernières années. La plupart de ces investissements ont été motivés par les taux bas. Vous investissiez dans l’immobilier ou les infrastructures à la recherche de rendements que vous ne pouviez pas obtenir des obligations d’État et, pour couronner le tout, vous pouviez utiliser l’effet de levier pour augmenter ces rendements. Cela étant dit, je serais probablement plus insomniaque si j’étais un gestionnaire de portefeuille d’infrastructures en ce moment.

En ce qui concerne les grandes capitalisations, beaucoup d’argent a été investi aux États-Unis. Ces cinq dernières années, c’était un marché facile. Je pense que c’est une excellente opportunité de diversification en ce moment.

La situation géopolitique est un autre domaine qui me tient éveillé la nuit.

Je suis né en 1964. La dernière fois que les gens ont parlé de guerre nucléaire, c’était en 62. Aucun d’entre nous n’a jamais été exposé à ce risque. Mais ce serait certainement une issue catastrophique. Cependant, il s’agit probablement d’un risque faible, mais qui pourrait certainement empêcher nombre d’entre nous de dormir.

Gestion d’actifs Global Alpha Ltée
octobre 17th, 2022